Laboratoire
des
FRONDEURS

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Analyses des évènements négatifs  |  Archives

 

      Méthode


Nos buts
Les moments de l'observation
La méthode de collecte des informations
Le mode d'emploi des chronologies

Le mode d'emploi des dossiers

 

 

 

 

Les moments de l'observation

 

 

Nous repérons les évènements négatifs en recherchant leurs traces dans les relevés de l’information dominante (voir la méthode de collecte). Au-delà de nos opinions propres, nous cherchons à vérifier notre parti pris en le mettant à l’épreuve de l’observation.

1. Découvrir des actes négatifs

Le repérage des actes négatifs est un moment de découverte d’une richesse qui était cachée en pleine lumière : l’extraction de comptes-rendus ensevelis dans le flux de l’information occidentale nous révèle des faits négatifs que nous ignorions.

Les actes négatifs que nous recherchons sont des offensives contre l’Etat, contre l’information dominante ou contre les marchandises. Les actes négatifs lorsque nous les extrayons du magma informe de l’information occidentale sont à l’état de faits ; ils ont déjà eu lieu et nous n’en avons trace que par les comptes-rendus des informateurs ennemis. Ne retiennent notre attention que les actes négatifs qui répondent à des critères précis mais toujours susceptibles de rencontrer des exceptions, lorsque notre subjectivité le juge nécessaire :

  • Pas d’organisation a priori.

  • Pas de chef, pas de représentant, pas de porte-parole.

  • Nombre minimum de participants permettant de supposer que les individus parti prenants ne se connaissent pas à l’avance : nombre fixé à 400.

  • Déroulement dans la rue ; sont exclus les lieux fermés quand la révolte ne critique pas pratiquement leurs limites préalables : prisons, stades, universités, usines.

  • Durée minimum de l’événement : 4 heures.

Cet ensemble de critères dont nous avons hérité via la Bibliothèque des Emeutes et qui correspond au niveau d’une émeute locale forme un seuil minimal de négativité à partir duquel un évènement fait l’objet d’un dossier d’articles, d’un compte rendu inscrit dans la chronologie mensuelle, et est répertorié dans les archives et dans l’index.

Afin de repérer le plus grand nombre d’évènements au-dessus du niveau de l’émeute, nous sommes amenés dans le cours de l’observation à archiver un grand nombre d’évènements dont l’intensité se révèle être, après une rapide analyse, inférieure et qui, pour cette raison, ne sont pas publiés.

2. Retracer ce qui est arrivé

L’apparition progressive de l’événement dans la juxtaposition des articles collectés procure un plaisir inédit : celui de se représenter la totalité de l’évènement singulier en reliant, dans le temps et dans l’espace, les actes négatifs qui le composent. La constitution d’un dossier d’évènement permet d’en préciser l’origine ou le déclencheur, de rétablir la succession des faits et d’explorer leurs conséquences.

Afin de décrire les faits avec le plus d’exactitude possible, nous recoupons les différents récits des informateurs. Les faits négatifs sont alors résumés dans un compte-rendu.  Rédigé a minima, il récapitule, journée par journée, les éléments tangibles de description des faits et les lieux où ils sont arrivés, et est inscrit dans la chronologie mensuelle. Quand cela est possible, la durée des actes négatifs et le nombre de participants sont précisés ainsi que le type d’armes utilisées, la nature des biens attaqués et les atteintes aux personnes (le dénombrement des morts, des blessés et des arrêtés).

3. Juger de la qualité de l’événement

Le premier jugement sur la qualité de l’événement est le moment où l’on évalue l’intensité et les perspectives ouvertes par chaque journée de révolte. Les actes négatifs qui se sont déroulés sur la journée sont qualifiés en journées d’insurrection, d’émeute majeure, d’émeute locale, d’escrache, d’assemblée, de coupure de route, de pillage, de sabotage, de mutinerie (la liste correspond aux qualités d’actes négatifs actuellement repérées). Les choix et les arbitrages sur la qualité des actes négatifs sont fondés sur nos jugements subjectifs et discutés collectivement.

La journée d’insurrection se situe en général dans un mouvement d’une durée supérieure à une journée. L’offensive s’étend, en principe, à plusieurs lieux. Elle attaque frontalement l’Etat. Elle exige la chute du gouvernement. Elle s’accompagne de pillages et de la destruction de biens publics. Elle exclut souvent l’information dominante. La répression est massive. Une ébauche de débat sur le monde est amorcée.  

La journée d’émeute majeure naît la plupart du temps de la propagation d’une émeute locale, mais pas nécessairement. L’offensive s’étend à toute la ville ou à d’autres lieux que celui où elle naît. Elle dépasse le prétexte initial. Elle attaque frontalement l’Etat. Elle comprend toujours des attaques contre les marchandises et souvent contre l’information. Les affrontements avec la police ou l’armée sont meurtriers.

L’émeute locale reste limitée à la localité où elle apparaît, s’arrête le jour même, ne menace pas directement l’Etat. Elle comporte souvent des pillages de marchandises et des attaques de biens publics (mobilier urbain, voitures, bâtiments) et éventuellement de journalistes. Elle est presque toujours synonyme d’un affrontement avec la police.    

Les actes négatifs n’étant pas toujours des émeutes, nous avons défini d’autres catégories qualifiantes :

  • L’assemblée est un lieu où les individus prennent la parole pour discuter de leurs buts. Elle n’est médiatisée ni par l’information, ni par la marchandise, ni par l’Etat, ni par aucune forme de hiérarchie.

  • La coupure de route, au moment où elle est un acte offensif destiné à stopper la circulation des hommes et des marchandises ou à bloquer l’accès à un lieu stratégique, comporte souvent des affrontements sur le lieu du barrage et des saccages de véhicules. Les coupures de route sont des évènements isolés ou contribuent parfois à une émeute.

  • Nous distinguons également le sabotage quand il met l’organisation de l’Etat en cause, le pillage des marchandises quand il se généralise sans autre forme de révolte simultanée et la mutinerie lorsqu’elle s’étend hors de la prison et que les prisonniers s’en échappent. L’escrache est une attaque physique sur des représentants de l’Etat, publiquement conspués et agressés.

La qualification des actes négatifs et de l’évènement singulier diffère. Un même événement peut, par exemple, comporter une émeute majeure, une ou plusieurs émeutes locales et une coupure de route.

Le second moment du jugement sur la qualité de l’évènement est celui où l’on mesure l’intensité de l’événement dans sa totalité, et sa durée : Court Faible, Court Fort, Long Faible, Long Fort.

Le troisième moment du jugement sur la qualité de l’évènement est celui de l’analyse, qui vient confirmer ou infirmer, en l’affinant et en le resituant dans son contexte évènementiel, le premier et le second jugement. L’analyse est le moment du discours sur l’événement singulier. Aucune forme particulière ne lui est attribuée d’emblée. Son cadre dépend de l’événement, et de ceux qui lui sont proches. Notre subjectivité fait le reste.  

4. Visualiser le mouvement du négatif

Les événements négatifs sont ensuite rassemblés dans une chronologie organisée en mois et divisée en jours. Le but de la chronologie est de repérer d’un coup d’œil les événements sur un mois et de connaître le niveau d’intensité des événements sur cette période. Le descriptif des faits inscrit dans la chronologie permet de repérer rapidement les actes de forte intensité sur une journée et les événements négatifs auxquels ils appartiennent à l’échelle du monde. Il est essentiel de ne pas confondre le descriptif des faits au sein de la chronologie et un éventuel descriptif de l’événement auquel ces faits se rapportent, dans l’analyse. La mesure d’un événement n’est pas la journée. Un événement peut durer quelques heures ou s’étendre sur plusieurs jours.

En juxtaposant les événements dans une perception linéaire du temps, la chronologie constitue une première approche du mouvement du négatif dans le monde. Elle montre de façon très élémentaire que la révolte se manifeste dans des formes comparables partout dans le monde. Elle constitue un premier outil de repérage de l’intensité du débat et de son extension. Elle est en même temps un premier outil indispensable de compréhension, d’analyse et d’archivage.

(Juin 2006)