Le
moment du négatif est celui où débute le débat des humains.
C’est une rupture dans le temps par laquelle surgit la
richesse, la nouveauté du monde que les conservateurs de
l’ancien temps combattent de toute la force héritée du
renoncement à leur propre vie. L’enjeu de ce débat, qui est le
jeu du monde, est la vie. C’est la mise pour commencer à jouer
et c’est ce qu’il y a à gagner. Les émeutiers jouent des idées
du temps : ils cherchent pratiquement, au-delà des
limites imposées, à réaliser un contenu encore inconnu. Mus
par la joie, la colère, la vengeance ou le plaisir, hors
d’eux-mêmes ou en passant l’air de ne pas y toucher, ils
explosent les barrières dressées par les bureaucrates de la
pensée. Leur critique en actes a le pouvoir de rendre fluides
des pensées figées ; ils sont pressés, ils veulent tout,
ici et maintenant, et surtout de tout, de
l’amour, de l’individu, de Dieu, du monde, des idées, de
l’aliénation, de l’humanité, en avoir le cœur net. Ils sont
notre parti.
Dans
le mouvement de la pensée que nous avons suivi, le désir de la
totalité fut premier, ensuite vint la construction d’un outil
d’observation, et bien plus tard les premiers résultats.
L’observation des actes négatifs dans le monde s’est présentée
à nous comme une nécessité immédiate : le manque de lien
à la totalité, cette absence ressentie dans nos vies et notre
colère sourde contre ce qui est là nous ont amené à la
systématiser. Le laboratoire des frondeurs s’est organisé a
minima et a construit des instruments rudimentaires pour
connaître et analyser les événements négatifs dans le
monde : insurrections, émeutes, coupures
de route, assemblées, escraches. Avec le
négatif comme seul moyen de locomotion, nous sommes rentrés à
notre manière dans l’époque en voulant tout mettre à
l’épreuve.
L’opinion
selon laquelle l’assommant dialogue de l’information dominante
avec l’Etat et les marchandises est le monde n’est que la
théorie dominante de l’information dominante. Par
l’observation des actes négatifs, nous nous forgeons notre
propre opinion sur tout en nous fondant sur les actes et les
opinions de ceux qui tentent de l’accomplir. Contre ce monde,
nous exhumons les traces du négatif des profondeurs de
l’information dominante et en la détournant, nous montrons que
partout des humains débattent pratiquement de ce monde.
Partout les murailles de la pensée se craquèlent. Cette petite
fenêtre est une invitation discrète mais ferme au prochain
assaut.
(Août
2006, modifié en décembre 2009)